Alain LAGADEUC - Journaliste
''Le
journalisme consiste à publier ce que d'autres ne voudraient pas voir
publier. Tout le reste n'est que relations publiques".
Avec
ces quelques mots, George Orwell brossait, il y a 70 ans, sa
vision des relations entre journalistes et chargés de communication :
les uns suspectent l'enfumage quand les autres dénoncent le
parti-pris. Relations empreintes de méfiance qui amènent
aujourd'hui l'opinion publique à rejeter presse, religions, marques
d'entreprises dans le même sac (62 % de défiance /Argus de la
Presse/Ifop-juillet 2015), avec lanterne rouge pour le politique.
A
l'heure où les frontières se cherchent, à l'heure de la recomposition
sociale et politique, de la remise en cause des institutions, le
monde de la communication n'échappe pas à cette mutation. Le colloque
organisé par le SYNAP en décembre dernier s'inscrivait
bien dans ce contexte et pointait, une nouvelle fois, le
nécessaire questionnement des relations entre ces ''rivaux/associés''
que seraient les journalistes et les chargés de communication. Dénonçant
une communication à court terme et sans vision, nombreux sont ceux qui
en appellent à une parole juste, sincère, authentique, porteuse de
sens et de cohérence. Même si tout pouvoir a sa part d'ombre et érige
des murs protecteurs, les différents acteurs doivent avoir la volonté de
se retrouver sur le même territoire.
Le très daté 'village global' de Mac Luhan, lourd d'espérances déçues, n'a pas garanti in fine
un monde enrichi de cette proximité ni une
meilleure cohésion mondiale. Servir l'info chaude, brûlante,
immédiate ne suffit plus. La technicité montre ses limites. Le
journaliste doit, lui aussi, apporter du sens dans ce flot de séquences
où se télescopent vraies et fausses infos, rumeurs et théories du
complot. Il doit tailler intelligemment sa route dans les méandres des
réseaux sociaux, hydres aux bonnes et sales têtes.
Face à l'immédiateté, la réflexion s'appauvrit si on ne lui ménage pas le loisir de se développer.
Exigeons,
nous journalistes, le respect du temps pour la nécessaire décantation
des faits. Ne soyons pas tétanisés par nos inquiétudes (menaçant projet
de loi sur le secret des affaires, dangereuses concentrations des titres
et inadmissible intrusion du pouvoir de l'argent dans l'éditorial).
Rapprochons
les déontologies des deux bords : elles doivent se rejoindre et
résonner en écho dans une même aspiration de recherche de
morale.
Autour
du mot magique de 'communication', il est urgent - au delà de nos
différences - d'agir ensemble au bénéfice de ce qui doit seul nous
motiver : informer et servir (sinon satisfaire) les aspirations du
citoyen, électeur, client, consommateur, lecteur. Cet être unique aux
multiples, et parfois contradictoires attentes.
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